« Art Royal », cette étrange expression, loin d'être désuète, évoque la plus haute dimension initiatique de la Franc-Maçonnerie originelle qui vise à bâtir le Temple et l'Homme en s'inspirant de la Royauté en esprit et en pratiquant le rite adéquat, art royal par excellence. Ce terme est aussi à rapprocher de la Chevalerie médiévale et notamment templière. En effet, La chevalerie est un engagement moral, pour devenir chevalier, un homme doit répondre à certaines exigences : fidélité à la parole donnée, défense des faibles, générosité envers tous et s'engager au respect d'un code de l'honneur. Ce code n'est pas réellement écrit, mais il est présent dans tous les esprits. Enfin, en Franc-Maçonnerie moderne, la noblesse d’esprit n'est pas la chevalerie : pour devenir chevalier maçon, il faut d’abord recevoir l'adoubement, c’est-à-dire : l’initiation maçonnique.
Lorsqu’il mourut sur le bûcher le 18 mars 1314, le dernier Grand Maître des Templiers, Jacques de Molay, pensait certainement que s’éteignait avec lui l’ordre des pauvres chevaliers du Christ. Pourtant, quatre cents ans après, au temps de Voltaire et Rousseau, certains groupes secrets prétendirent être la survivance cachée de l’ordre du Temple injustement persécuté. Des Loges maçonniques affirmaient en effet que quelques chevaliers qui avaient échappé à la persécution s’étaient réfugiés dans la lointaine Écosse et avaient survécu jusqu’au XVIIIe siècle sous le voile de la franc-maçonnerie. Le mythe de la survivance secrète des Templiers était né.
La Franc-Maçonnerie est ainsi largement imprégnée des mythes et des valeurs de la chevalerie. Si certains rites, comme les Régimes Ecossais (REAA[i] & RER[ii]), sont très clairement, et dans leur ensemble, de nature chevaleresque, la presque totalité des systèmes de hauts-grades présentent plusieurs grades chevaleresques.
De la vision romantique de la chevalerie à une approche opérative des vertus chevaleresques, la Franc-Maçonnerie constitue et demeure un cadre privilégié pour accueillir, conserver ou développer les grands mythes chevaleresques, sous des formes très diverses en fonction des époques et du rapport entretenu avec ces mythes.
Aujourd’hui encore, ce cheminement progressif dans les degrés supérieurs est vécu comme un approfondissement de l’expérience des trois premiers degrés, une progression intérieure vers une vision plus spirituelle du monde et de l’autre, plus ou moins religieuse ou adogmatique selon les rites maçonniques. Chaque système de hauts grades, chaque « Rite » a bien sûr ses spécificités. Si la légende de certains grades évoque des cultes ou des religions et notamment judéo-chrétiennes, cela ne signifie pas que la Franc-Maçonnerie est religieuse, même si elle peut parfois être taxé de "déisme". En réalité, seule la mythologie des symboles intéresse la Franc-Maçonnerie. Le symbole est le langage primitif de l'inconscient qui permet la recherche du soi profond, dans le but d'un perfectionnement dans la connaissance de soi. En ce sens on pourrait dire que la Franc-Maçonnerie n'est pas une religion mais un panthéon des religions, en d'autres termes ; un cimetière des religions et des idéologies qui empêchent la liberté de penser et de transcender la matière pour découvrir un "Absolu" en soi ...
La Franc-Maçonnerie utilise toutes les traditions de l'Humanité, c'est son côté universel. C'est la raison pour laquelle dans ses cérémonies, elle s'inspirent aussi bien de la chevalerie que de l'hermétisme ou des mystères d'Éleusis. La voie maçonnique est axée sur le langage des symboles et se distingue donc de tout un courant philosophique occidental exhortant à consommer la séparation entre l’esprit et le corps, la raison et les sentiments, la réflexion et l’action et invitant aussi le sage, parfois, à se satisfaire d’un état purement contemplatif, non engagé dans l’action. Le Franc-Maçon, à l’instar de l’arbre, a les pieds sur terre et la tête tournée vers le ciel. Il s’efforce d’« améliorer à la fois l’homme et la société » et de « rassembler ce qui est épars » pour que s’accomplisse le miracle d’une seule chose : le Centre de l’Union et la Concorde universelle …
"Dans ce devenir inconnu, accessible à tous ceux qui ont franchi la porte des hommes et se dirigent vers la porte des dieux avec vigilance et présence à ce qui est dans le mouvement de l’univers, la vie trouve l’amour et dans ce cœur de lumière se manifeste l’éternité infinie du passé et de l’avenir.
La connaissance peut nous habiter et, dans la perspective de la création universelle, nous trouverons alors notre place en notre Être intime et infini."
Alain Pozarnik, 2014, "De la porte des Hommes à la porte des Dieux "
La Franc-Maçonnerie des tout débuts ne comptait que deux grades : celui d'Apprenti (Entered Apprentice) et celui de Compagnon (Fellow Craft). Le troisième grade, celui de Maître maçon, est apparu plus tardivement, vers 1725, à Londres[iii]. Au REAA, notamment le 3e grade est considéré, initiatiquement parlant comme étant le premier des hauts grades en ouvrant la voie initiatique aux degrés judaïques, pour aboutir à la Chevalerie templière et aux degrés philosophiques de Sagesse.
À partir des années 1730, différents auteurs, pour la plupart en France et en Angleterre, écrivirent des rituels pour de nombreux grades additionnels censés continuer et enrichir la mythologie des trois premiers[iv]. Ainsi, des « ateliers supérieurs » sont créés où sont pratiqués les nouveaux rituels proposant au Maître Maçon, au-delà des trois premiers degrés, la poursuite de son cheminement spirituel et moral. Les historiens dénombrent déjà plus d'une centaine de grades additionnels dans les années 1760.
De nombreux rites sont pratiqués en Suisse. Au sein de la GLSA, on pratique essentiellement le Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA), mais on trouve aussi des Loges travaillant au Rite Français (RF), au Rite Émulation (RE), au Rite de Schroeder (RS), et au Rite Ecossais Rectifié (RER).
Tous ces grades peuvent se regrouper en un nombre plus restreint de thèmes. C'est ainsi que se construisirent, à la suite de la légende d'Hiram (3e degré, Maître Maçon) différentes séries de grades (grades de vengeance, grades chevaleresques, etc.) en un tout progressif et cohérent, les principaux Rites maçonniques à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle.
Par la suite, de nouveaux « hauts-grades », parfois structurés en « Rites » indépendants, parfois intégrés dans des Rites existants, ont continué à être rédigés, mais à un rythme beaucoup moins soutenu.
Au début du XXIe siècle, nous pouvons observer un nombre total de degrés variable selon les Rites :
En principe, une Obédience nationale (Grande Loge ou Grand Orient) ne gère que les trois premiers degrés d'un rituel (Apprenti – Compagnon - Maître)[v] dans un pays et peuvent pratiquer ainsi différents rituels liés à des Rites, alors que les Hauts Grades sont pris en charge par des entités bien distinctes (« Rite Écossais Ancien et Accepté » REAA et « Rite Écossais Rectifié » RER, notamment), et ne pratiquent qu'un Rite[vi], dont ils sont, si l'on veut bien, les "gardiens".
En Franc-Maçonnerie, les trois premiers degrés maçonniques (loges bleues) constituent les grades fondamentaux. Depuis le Convent de Lausanne en 1875, les loges bleues sont administrées par les Obédiences : (Grandes Loges ou Grand Orient) et les hauts grades par les Rites (Exemple : Le Suprême Conseils pour le REAA ou Grand Prieuré pour le RER). Les Obédiences et les Loges sont le lien essentiel avec la société civile et occupent la communication officielle avec le monde « profane », le grand public. Les ateliers des haut grade, liés aux Rites, « Suprêmes Conseils » ou « Prieurés », sont plus discrets et ne communiquent qu’aux initiés du Rite.
La Franc-Maçonnerie des trois premiers grades est dite « symbolique », « bleue » ou (dans les pays de langue anglaise) « de métier » (craft masonry). À ces trois grades fondamentaux se sont ajoutés au fil du temps divers systèmes de hauts grades maçonniques (nommés « side degrees » en anglais) facultatifs, pratiqués dans des Ateliers dit de perfectionnement ou dans des Chapitres, des Aréopages et Consistoires.
À Lausanne les Ateliers du REAA sont les suivant :
[i] REAA : Rite Écossais Ancien et Accepté.
[ii] RER : Rite Écossais Rectifié.
[iii] Roger Dachez, Histoire de la franc-maçonnerie française, PUF, Paris, 2003, p. 61
[iv] Yves Hivert-Messeca, « Les Premiers pas des Hauts Grades en France (1735/1745) », 2018.
[v] Sauf au Droit Humain qui a une organisation internationale et non nationale.
[vi] Rite : Ensemble de rituels cohérents qu’une même organisation administre (exemple : REAA ou RER).
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